Le mastocytome cutané du chien

Les Mastocytomes cutanés du chien

Présentation des mastocytomes cutanés

Qu’est-ce que c’est?
Quels animaux sont concernés ?
Quels en sont les symptômes  ?

Le diagnostic du mastocytome

La suspicion diagnostique d’un mastocytome
La confirmation du diagnostic

L’examen cytologique
L’examen histologique

L’établissement du stade clinique
Le pronostic

Le traitement du mastocytome

La chirurgie
La chimiothérapie
Les inhibiteurs des tyrosines kinases
La radiothérapie

 

Présentation des mastocytomes cutanés

 

Qu’est-ce que c’est ?

 

Le mastocytome cutané est la tumeur de la peau la plus fréquente chez le chien. Le mastocytome fait partie de la famille appelée les tumeurs cellules rondes. Le mastocytome correspond à une prolifération anormale des mastocytes qui sont des cellules immunitaires que l’on retrouve dans la peau, notamment, au niveau du derme ou en dessous la peau. On les retrouve également en quantité moindre dans de nombreux tissus. Un mastocytome peut donc se développer dans une grande variété d’organe, mais le plus fréquemment il se développe sur, ou en dessous de la peau.

 

Quels animaux sont concernés ?

 

Le mastocytome peut concerner n’importe quel chien, mais de nombreuses races possèdent une prédisposition à le développer comme le Boxer, le Labrador, le Golden retriever mais aussi le Shar-pei, le Bouledogue, le Boston terrier, le Fox terrier, les types Pit-bull terrier, le Cocker spaniel, le Beagle, le Rhodesian ridgeback, le Teckel, le Schnauzer, le Carlin, le Bouvier australien. Certaines races ont tendance à développer des mastocytomes à des endroits particuliers, par exemple sur la queue pour le Rhodesian ridgeback.

Le risque de développer un mastocytome augmente avec l’âge. Il touche en effet plus fréquemment des chiens d’âge moyen à avancé avec une moyenne d’âge de 9 ans. Certaines études rapportent, par exemple, un risque accru après l’âge de 3 ans. On notera toutefois une exception avec le Shar-pei chez lequel on observe un nombre non négligeable de mastocytomes qui se développent chez des chiens jeunes de moins de deux ans. Le mastocytome existe aussi chez le chat mais il est beaucoup plus rare !

 

Quels en sont les symptômes  ?

 

Le plus souvent le mastocytome se traduira par une masse ou un nodule visible ou palpable au niveau de la peau. Cette masse peut mesurer quelques centimètres de diamètre ou être beaucoup plus grosse et avoisiner une dizaine de centimètres de diamètre. La taille de cette masse pourra augmenter rapidement ou au contraire rester stable pendant des mois. Cette masse peut entrainer une démangeaison et elle peut aussi s’ulcérer. Dans certaines formes, appelées des mastocytomes multicentriques, on observera le développement simultané de plusieurs masses et/ou nodules.

 

Quelques particularités cliniques du mastocytome :

 

Les mastocytes contiennent des petites poches dans leur cytoplasme, appelées granules ou vacuoles, contenant de nombreuses substances biologiques et, en particulier, de l’histamine et de l’héparine. Ces substances peuvent s’extérioriser de la cellule et causer un syndrome paranéoplasique local appelé le Signe de Darier. Ce signe se traduit localement par une rougeur et un gonflement sur et autour du nodule/masse après sa manipulation. En effet, cette manipulation cause une libération plus importante d’histamine par les cellules cancéreuses => ATTENTION : NE PAS MANIPULER SCIAMENT CE NODULE POUR EFFECTUER VOTRE PROPRE DIAGNOSTIC !
En effet, lors de la manipulation, une quantité excessive de ces substances peut être libérée et dans le cas de tumeur volumineuse, provoquer un choc anaphylactique !

Ces substances peuvent par ailleurs provoquer une acidification au niveau de l’estomac, et donc des ulcères (stimulation des récepteurs Histaminique H2 localisés au niveau de l ‘estomac) pouvant entrainer des vomissements, des saignements digestifs, une anémie, une douleur abdominale, …

Le diagnostic du mastocytome

 

La suspicion diagnostique d’un mastocytome

 

La suspicion diagnostique sera d’autant plus facile que la présentation sera classique. En caricaturant : si un boxer de 9 ans est présenté pour l’apparition d’un nodule cutané unique grossissant progressivement s’accompagnant de vomissements, un mastocytome sera alors suspecté. Mais, attention au délit de faciès, votre animal peut avoir autre chose !

Toutefois la présentation clinique peut être moins typique et votre vétérinaire mènera une démarche diagnostique rigoureuse afin de déterminer la nature de la masse.

La confirmation du diagnostic

 

L’examen cytologique

Le ou les nodules suspects seront cytoponctionnés par votre vétérinaire puis analysés par un laboratoire (voir analyse cytologique). En effet, il s’agit de confirmer l’hypothèse diagnostique. Cet examen cytologique permettra d’observer et d’identifier les cellules qui composent la masse. On confirmera ainsi la nature tumorale et la tumeur dont il s’agit. Cet acte permettra aussi d’obtenir une indication sur l’agressivité de la tumeur et d’ajuster la chirurgie en fonction de cette agressivité (voir plus bas).

L’examen histologique

L’analyse histologique nécessite de prélever du tissu tumoral. Soit l’on retire totalement la tumeur, soit l’on en analyse uniquement un fragment (biopsie incisionnelle).

L’examen histologique d’un mastocytome est le plus fréquemment réalisé sur l’ensemble de la tumeur après la chirurgie qui aura été décidée et planifiée grâce à l’examen cytologique.

Cet examen va permettre dans un premier temps de définir si le mastocytome est plutôt localisé au niveau de ou sous la peau. En effet, ce point est important car les mastocytomes sous-cutanés sont associés à un meilleur pronostic.

Grâce à l’examen histologique, on va aussi attribuer un grade. En effet tous les mastocytomes n’ont pas la même agressivité et des grades sont donc déterminés. Pour grader les mastocytomes, on utilise différentes classifications basées sur des critères histologiques précis. Aujourd’hui, on utilise surtout les classifications de Patnaik et de Kiupel (révision de 2011). Le premier, le « grading » de Patnaïk, est constitué de trois grades, celui de Kiupel de deux grades. Ces « gradings » sont utilisés pour classer les mastocytomes cutanés, mais une autre classification est utilisée pour les mastocytomes sous cutanés.

L’analyse histologique permettra aussi d’évaluer les marges et observer ci ces dernières sont indemnes de la présence de cellules tumorales (voir les marges de retrait chirurgical). L’analyse des marges, en parallèle de la détermination d’un grade, permettra d’estimer le risque de récidives.

On recherchera également lors de cette analyse l’expression du récepteur appelé c-KIT ainsi qu’une mutation du gène associé c-KIT. La présence de cette mutation génétique péjore le pronostic et conditionne la réponse à certains traitements appelés, les inhibiteurs des tyrosines-kinases

En savoir plus :

Cette mutation est présente dans environ 20 à 30 % des mastocytomes cutanés mais encore plus fréquemment pour les mastocytomes de grade 2 ou 3 selon Patnaik. Le gène c-kit est un proto-oncogène, c’est à dire que la protéine qu’il code (voir bases de biologie et de cancérologie) favorise la multiplication cellulaire et la survie de la cellule. La mutation de ce gène augmentera l’expression de la protéine associée et donc favorisera la survie et la multiplication de la cellule tumorale. On pourra aussi s’intéresser aux différents profils d’expression de cette protéine, nommés pattern (Pattern 1, de meilleur pronostic que le pattern 2 et 3). Lorsque la mutation du gène c-kit est présente, 60 % des chiens traités pour un mastocytome cutané avec une mutation du gène c-KIT présentent une réponse au traitement par les inhibiteurs des tyrosines-kinases. Á l’inverse, les chiens dépourvus de cette mutation et traités avec des inhibiteurs des tyrosines-kinases répondront à ce traitement dans 31.3% des cas. On pourra donc rechercher cette mutation par PCR (Polymerase Chain reaction), ou l’expression de la protéine associée via de l’immunohistochimie (voir, analyse histologique).

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D’autres marqueurs et paramètres peuvent également nous aider à mieux définir le comportement tumoral (recherche de l’expression de Ki-67, comptage des cellules en cours de division cellulaire et recherche d’AgNOR).

 

L’établissement du stade clinique

 

Indispensable à l’établissement d’un pronostic ainsi que pour le choix d’un traitement approprié, il faut réaliser un bilan d’extension (voir déterminer l’extension d’une tumeur).

Pour ce bilan, il convient d’évaluer la taille, la délimitation, l’aspect de la tumeur et son rapport aux structures adjacentes (adhérences, proximité de structures vitales). On cherchera par la suite à savoir si les cellules tumorales ont pu se disséminer au sein de votre chien. La dissémination du mastocytome s’effectuera tout d’abord dans les nœuds lymphatiquesdrainant le territoire où se développe la tumeur, puis prioritairement dans les organes tels que le foie et la rate puis, dans des nœuds lymphatiques localisés à distance de la tumeur. Éventuellement, des métastases pulmonaires et une invasion de la moelle osseuse sont possibles.

Le clinicien décidera du bilan d’extension à réaliser en fonction de la situation de votre animal. On pourra vous proposer les examens suivants :

  • Des cytoponctions des nœuds lymphatiques suspects (modification de leur taille et/ou de leur d’aspect et/ou de leur forme) et des nœuds lymphatiques régionaux (nœuds lymphatiques qui drainent le territoire où siège la tumeur) pour rechercher si ces derniers sont infiltrés par des cellules tumorales.
  • Une échographie abdominale : elle permettra de rechercher des nodules ou des infiltrations diffuses des organes abdominaux par des cellules tumorales. On réalisera par ailleurs des cytoponctions échoguidées systématiques du foie et de la rate, suivies d’une analyse cytologique pour rechercher une infiltration par des cellules tumorales de ces organes (infiltration possible même en l’absence d’anomalies visibles à l’échographie sur ces organes).
  • La réalisation d’un bilan sanguin (une numération formule sanguine et une analyse biochimique sanguine).
  • La réalisation de radiographies thoraciques pour rechercher des métastases pulmonaires éventuelles.
  • La réalisation d’une ponction et d’une analyse de la moelle osseuse dans l’objectif de réaliser un myélogramme pour vérifier l’absence ou la présence de son infiltration par des cellules tumorales.

Suite à ces examens, on établira le stade clinique qui aura une importance pronostique. L’attribution d’un stade clinique dépend du nombre de masses observées, et de la dissémination éventuelle des cellules tumorales aux nœuds lymphatiques ou à d’autres organes. Il existe au total 4 stades.

 

Le pronostic

 

Le pronostic dépendra de nombreux critères. Par exemple, une tumeur de bas grade, un mastocytome sous cutané, les mastocytomes qui n’évoluent pas depuis longtemps (plusieurs mois à plusieurs années) sont des éléments de bon pronostic. Une tumeur de grande taille, de haut grade, une masse ulcérée, la présence de la mutation du gène c-kit sont des facteurs péjoratifs.

 

Le traitement du mastocytome

 

Nous disposons de plusieurs options de traitements et de plusieurs possibilités de combinaisons entre ces derniers. L’approche thérapeutique sera adaptée au patient. Les options thérapeutiques s’articulent autour de la chirurgie, la chimiothérapie, la radiothérapie et des inhibiteurs des tyrosines-kinases (voir plus bas).

Le premier traitement qui vous sera proposé sera la chirurgie qui permettra non seulement de traiter la tumeur mais aussi de conduire une analyse histologique. Suite à la chirurgie, en fonction du grade déterminé histologiquement, mais en aussi en fonction du statut des marges (saines, étroites, non saines), du stade clinique, de la présence du récepteur c-kit muté on pourra employer des thérapies complémentaires (la chimiothérapie, la radiothérapie ou l’emploi d’inhibiteur des tyrosines-kinases).

 

La chirurgie

L’objectif de la chirurgie est d’enlever toutes les cellules tumorales ou le maximum d’entre elles. Pour ce faire, on réalisera des marges de retrait, c’est-à-dire que l’on retirera au-delà du tissu tumoral afin de limiter les risques de laisser des cellules tumorales dans l’organisme (voir, les marges chirurgicales). Ces marges seront adaptées à l’agressivité de la tumeur : elles seront moins larges pour un mastocytome peu agressif que pour un mastocytome hautement agressif. Ce traitement sera très souvent suffisant en lui-même pour les tumeurs de bas grade. Suite à ce retrait on réalise une analyse histologique de la tumeur, qui permet d’évaluer les marges. Si ces dernières se révèlent infiltrées on pourra réitérer une chirurgie ou employer des thérapies complémentaires (radiothérapie, chimiothérapie, inhibiteurs des tyrosine-kinases).

En raison de la localisation de certaines des tumeurs ou de leur taille, ce retrait chirurgical peut s’avérer compliqué et nécessiter des compétences chirurgicales particulières avec la réalisation de plasties notamment (vétérinaire spécialisé en chirurgie).

Si le bilan d’extension révèle des métastases dans les nœuds lymphatiques, il faudra retirer chirurgicalement les nœuds lymphatiques concernés.

 

La chimiothérapie

Le mastocytome est très sensible à la chimiothérapie.

La chimiothérapie possède de nombreux intérêts dans le cadre d’un mastocytome. Le principal intérêt et de prévenir, de ralentir ou de traiter des métastases à distance de la tumeur.

Les chimiothérapies se décomposeront en plusieurs séances. Chacune de ces séances nécessitera une évaluation clinique, des analyses sanguines et une hospitalisation durant 24h (voir, chimiothérapie conventionnelle). Le protocole le plus utilisé en première ligne comprend des administrations de vinblastine et de prednisolone, en protocole de seconde ligne de la lomustine peut être utilisée. Ces protocoles seront décidés et mis en place par l’oncologue.

Les inhibiteurs des tyrosines-kinases.

Les inhibiteurs des tyrosine-kinases, entre autres effets, vont inhiber l’action du récepteur c-kit exprimé par le proto-oncogène c-Kit et donc inhiber la prolifération des cellules tumorales. Ils font appel à deux molécules différentes : le tocéranib (Palladia®) et le masitinib (Masivet®) qui se présentent sous la forme de comprimés à administrer chez vous. Ils peuvent être utilisés en tant que traitement unique, ou compléter un protocole de chimiothérapie. Les effets secondaires du toceranib et du masitinib sont majoritairement gastro-intestinaux mais ces effets sont en général peu marqués. Cependant, l’administration de ces médicaments induit une résistance au long terme des cellules tumorales à ce traitement.

La radiothérapie

La radiothérapie sera utilisée lorsque le retrait de l’ensemble de la tumeur n’est pas réalisable chirurgicalement, ou pour assainir des marges non saines suite à une exérèse chirurgicale. Elle peut aussi être employée pour traiter des métastases situées dans des nœuds lymphatiques.