La chimiothérapie conventionnelle

La chimiothérapie conventionnelle

 

La chimiothérapie : une pratique réglementée

Les indications de la chimiothérapie

De quels préjugés  souffre la chimiothérapie ?

Sur quels principes s’appuie la chimiothérapie ?

Réalisation de la chimiothérapie conventionnelle

Les molécules utilisées

Les effets secondaires de la chimiothérapie

Les effets secondaires précoces
Les effets secondaires tardifs

La toxicité au niveau de la moelle osseuse
La toxicité gastro- intestinale
Des toxicités plus spécifiques des molécules utilisées

 

 

La chimiothérapie est un traitement qui correspond à l’administration de molécules chimiques dans l’organisme de façon à détruire les cellules cancéreuses. La chimiothérapie, bien que victime de nombreuses idée reçues (certaines sont fondées et d’autres moins), peut apporter de réels bénéfices pour le patient cancéreux en terme de longévité mais aussi et surtout en terme de qualité de vie.

 

La chimiothérapie : une pratique réglementée

 

Tout le monde ne peut pas détenir et employer des molécules de chimiothérapie, cette utilisation est réglementée ! Les molécules, même si elles sont employées à des doses thérapeutiques, ont une toxicité pour l’homme et pour l’animal qui nécessite un encadrement de leur utilisation. Elles appartiennent en effet à la classe des molécules dites CMR (Cancérigène et/ou Mutagène et/ou Reprotoxique). Leur utilisation est encadrée par l’arrêté du 18 juin 2009, ainsi que par un guide pratique mis à disposition des vétérinaires. De plus, la structure employant ces molécules doit être déclarée à l’ordre national des vétérinaires.

Les indications de la chimiothérapie

 

La chimiothérapie peut avoir plusieurs buts. Elle peut servir à guérir l’animal de son cancer : on parlera alors de chimiothérapie curative. Elle peut aussi servir à améliorer le confort ou la durée de survie en contrôlant l’évolution du cancer, on parlera alors de chimiothérapie palliative. La chimiothérapie permet de cibler toutes les cellules tumorales, que les tumeurs soient visibles ou microscopiques. Elle est donc notamment utilisée lorsque le risque de dissémination des cellules cancéreuses est élevé ou que la présence de métastases est avérée. La chimiothérapie peut être utilisée en tant qu’unique traitement ou bien en complément d’autres thérapies, dans ce cas elle sera qualifiée d’adjuvante. Si elle est utilisée avant d’autres traitements on la qualifiera alors de néoadjuvante (par exemple elle peut être utilisée pour faciliter le retrait chirurgical d’une tumeur). Il existe également une chimiothérapie qualifiée de métronomique : elle est détaillée dans une section distincte (voir chimiothérapie métronomique).

Avant de décider de traiter par chimiothérapie, un diagnostic complet de la tumeur doit être réalisé. En effet le choix de traiter par chimiothérapie ou non nécessitera de prendre en compte à la fois la nature de la tumeur, son stade clinique, son grade, l’état de santé général de l’animal mais aussi les bénéfices que l’on peut tirer de la chimiothérapie.

 

De quels préjugés souffre la chimiothérapie
en médecine vétérinaire ?

 

La chimiothérapie c’est de l’acharnement thérapeutique et ce n’est pas éthique ! 

 

Si l’on vous propose une chimiothérapie, c’est avant tout pour conserver ou améliorer la qualité de vie de votre animal tout en augmentant son temps de survie. Cette qualité de vie est l’objectif principal ! En cas d’intolérance ou d’inefficacité du traitement, ce dernier sera bien évidemment arrêté, l’acharnement thérapeutique n’est pas de mise !

Le traitement est bourré d’effets secondaires ce qui rend le traitement trop lourd pour mon animal

C’est un traitement lourd, en effet, mais surtout lors des premières séances. Les effets secondaires sont moins importants qu’en médecine humaine car les protocoles sont moins agressifs. Les effets secondaires sont généralement peu fréquents, connus, gérables, prévisibles et surveillés. La chimiothérapie nécessite aussi une hospitalisation courte (le plus souvent d’une durée de 24h) et des bilans sanguins à chaque séance.

 

La chimiothérapie, ça coûte cher !

Oui, elle nécessite un investissement financier important car il faut prendre en compte les examens complémentaires de routine, les frais d’hospitalisations, le coût des molécules. Les molécules peuvent en effet couter 15 euros comme une centaine euros. Pour cette raison, il est difficile de vous donner un coût approximatif de la chimiothérapie : ce ne sera possible qu’une fois le protocole établi par l’oncologue en considération des éléments cliniques.

 

Sur quels principes s’appuie la chimiothérapie ?

 

La chimiothérapie a pour but de détruire les cellules tumorales. Toutefois les effets des molécules ne se limitent pas qu’aux cellules anormales. Heureusement, les molécules ciblent en priorité les cellules se multipliant rapidement comme les cellules tumorales. Ceci explique aussi les effets secondaires observés au niveau de la moelle osseuse ou au niveau du tube digestif, car dans ces tissus sains les cellules se divisent rapidement.

Certaines tumeurs peuvent présenter une résistance progressive à la chimiothérapie. En effet, pour une même tumeur les cellules tumorales peuvent différer quelques peu les unes des autres, certaines cellules sont plus résistantes aux molécules utilisées. Ainsi on va involontairement sélectionner, au fur et à mesure, des cellules résistantes jusqu’à obtenir une population tumorale suffisamment résistante pour pouvoir se développer malgré la présence des molécules de chimiothérapie.

La dose de molécules de chimiothérapie idéale est celle que l’on appelle la dose maximale tolérée, elle correspond à la dose la plus haute pour laquelle les effets secondaires sont acceptables. Plus la dose sera haute, plus il y aura de cellules tumorales détruites. Toutefois, cette dose peut être diminuée en cas d’effets secondaires trop importants.

 

Réalisation de la chimiothérapie conventionnelle

 

Des rendez-vous seront pris en fonction du protocole établi pour la réalisation des séances de chimiothérapie. À votre arrivée, un examen clinique sera systématiquement pratiqué sur votre animal pour repérer des anomalies cliniques et juger de l’évolution du cancer. Dans ce but, une discussion sera engagée avec vous pour relever les différentes anomalies que vous avez pu observer depuis la dernière séance et pour parler des améliorations observées.

Des analyses sanguines de routine (par exemple une numération formule sanguine) seront ensuite réalisées pour s’assurer que votre animal soit dans des conditions lui permettant de tolérer la chimiothérapie, ces analyses pourront être complétées, le cas échéant, par des analyses spécifiques. Le protocole de chimiothérapie peut-être ajusté (changement des molécules ou diminution des doses) ou la séance peut être reportée en cas d’anomalies cliniques et/ou biologiques mises en évidence ou d’effets secondaires sévères rapportés. Votre animal sera par la suite hospitalisé pour recevoir sa chimiothérapie. Un cathéter pourra être posé pour la réalisation de la chimiothérapie ou pour recevoir des traitements complémentaires (perfusion, antiémétique, etc.).

Au CHUVAC, il recevra sa chimiothérapie par un vétérinaire spécialisé en oncologie. Cette administration se fera le plus souvent par voie veineuse (via un cathéter) ou par voie orale (avec un petit en-cas) bien que d’autres modes d’administration existent (voie intramusculaire, voie intra-tumorale, voie intra-cavitaire).

 

Votre animal restera en hospitalisation jusqu’à ce que les toxicités pour l’homme soient réduites à un niveau acceptable (usuellement entre 24 à 48h). Cette hospitalisation permettra aussi de surveiller l’apparition d’éventuels effets secondaires pouvant se manifester précocement après la réalisation de la chimiothérapie.

Si l’état général est bon (que votre animal mange, boit et n’est pas abattu) il vous sera rendu. Des médicaments seront éventuellement à administrer chez vous si ils font partie du protocole (des corticoïdes par exemple) ou qu’ils sont nécessaires pour prévenir des effets secondaires (par exemple des anti-vomitifs).

Enfin, n’hésitez pas à signaler, au cancérologue ou à votre vétérinaire traitant, tous soucis de gestion ou la présence d’effets secondaires qui vous inquiètent ou qui vous semblent anormaux.

Les molécules utilisées

 

Beaucoup de molécules peuvent être utilisées, elles n’agissent pas toutes selon les mêmes mécanismes, on réalisera donc le plus souvent des associations pour potentialiser leurs effets anti-tumoraux. On pourra les choisir selon certains critères comme par exemple : des molécules efficaces contre la tumeur, des toxicités qui ne s’ajoutent pas les unes aux autres, des molécules ayant des effets anti-tumoraux différents, etc. . Le plus souvent, on utilisera des protocoles préétablis qui permettront de prévoir les séances. En cas d’effets secondaires spécifiques causés par une molécule en particulier, cette dernière pourra être remplacée par une autre ou la dose pourra être réévaluée.

Les effets secondaires de la chimiothérapie

 

Les effets secondaires sont présents en chimiothérapie vétérinaire mais ils sont beaucoup moins prononcés qu’en chimiothérapie humaine en partie car l’on réalise des protocoles moins intenses.

Certains effets secondaires sont dit doses dépendants, c’est-à-dire qu’ils ne se manifestent qu’à partir d’une certaine dose. Les effets secondaires rapportés pour les différentes molécules ne sont pas toujours présents à chaque séance, ni pour chaque individu.

Les toxicités les plus fréquemment rencontrés sont les toxicités digestives et de la moelle osseuse. Seul 1 animal sur 4 est incommodé par des effets secondaires indésirables gênants et seulement 3 à 5 animaux sur 100 ont des effets secondaires sévères nécessitant le recours à l’hospitalisation. Lorsque des effets secondaires se manifestent, plusieurs recours existent. On peut choisir de diminuer les doses du traitement, de remplacer des molécules par d’autres ou encore d’administrer des médicaments en prévention pour minimiser les effets secondaires. Des questionnaires d’estimation de la qualité de vie existent pour nous aider à juger de l’acceptabilité d’un traitement. Le but étant d’arriver à un traitement approprié pour votre animal et permettre une bonne qualité de vie couplée à un traitement efficace.

Remarque : Il est utile de détecter la mutation éventuelle du gêne MDR1 avant de débuter un protocole de chimiothérapie sur desraces tel que les colleys, border collie, berger australien, shetland, etc. Cette mutation peut en effet augmenter la sensibilité aux molécules de chimiothérapies et donc leur toxicité.

 

Les effets secondaires précoces

 

Certains effets sont redoutés peu de temps après la chimiothérapie et seront surveillés par l’équipe médicale. On peut ainsi redouter le syndrome de lyse tumorale aiguë qui est causé par la destruction des cellules tumorales. Leur destruction va libérer dans le sang une grande quantité de molécules normalement cloisonnées à l’intérieur des cellules. Ce syndrome reste peu fréquent, et il est notamment observé lors des premières séances de chimiothérapie (certains facteurs comme la déshydratation ou la préexistence d’une insuffisance rénale peuvent y prédisposer ).

En savoir plus sur ce syndrome :

Ce syndrome est causé par la libération d’électrolytes et d’ADN (acide Désoxyribonucléiques) contenu dans les cellules provoquant alors une acidémie (baisse du pH sanguin), une insuffisance rénale aiguë (causée par la formation d’acide urique), une hyperphosphatémie, une hyperkaliémie voir une hypocalcémie. Les symptômes ce manifesteront par des troubles du rythme cardiaque, une léthargie, des vomissements, une augmentation de la fréquence respiratoire. Afin d’éviter l’aggravation de ces symptômes, des corrections électrolytiques par des perfusions (avec certaines molécules spécifiques comme du bicarbonate ou des protocoles insuline glucose, des diurétiques hypokaliémants, etc.) sont possibles de même qu’une gestion symptomatique des troubles digestifs.

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Des réactions d’hypersensibilité de type I (forme de réaction allergique) sont également possibles lors de la réalisation de certaines injections. Ces symptômes sont observés dans les minutes ou dans les heures suivant l’administration de ces molécules.

En savoir plus :

Les injections de L-asparaginase de même que l’administration d’étoposide peuvent occasionnellement provoquer des réactions anaphylactiques. La doxorubicine peut quant à elle provoquer une libération de l’histamine contenue dans les mastocytes et entrainer une réaction anaphylactique. Les symptômes consistent en de l’urticaire généralisé, des œdèmes, de l’agitation, des vomissements, de l’érythème généralisé (la peau est rouge), une hypotension voire un collapsus.

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Les effets secondaires tardifs

 

La toxicité au niveau de la moelle osseuse

Elle est généralement désignée sous le nom de myelosuppression et regroupe plusieurs effets secondaires possibles, parmi lesquelles on retrouve la neutropénie, l’anémie et la thrombopénie.

L’anémie :
Elle correspond à un déficit en hémoglobine contenue dans les globules rouges, elle est rarement due à la chimiothérapie mais elle est le plus souvent due au cancer ou à l’une de ses complications (saignements digestifs, phénomènes paranéoplasiques, etc). Toutefois, l’anémie causée par une myelosuppression peut être observée après plusieurs mois sous chimiothérapie.

La thrombopénie :
Elle est définie comme le manque de plaquettes dans le sang, et peut avoir une incidence clinique (par exemple un taux très de plaquettes peut induire un état hypocoagulable) mais ce n’est pas le cas le plus fréquent.

La neutropénie :
Elle se définit comme un manque d’un type de globules blancs appelés les polynucléaires neutrophiles. Ce manque, s’il s’avère important, peut engendrer une faiblesse de l’organisme face aux agents infectieux. Globalement la neutropénie est observé 7 à 10 jours après une séance de chimiothérapie, mais certaines molécules l’occasionnent plus précocement (la vinblastine par exemple) ou bien plus tardivement (le carboplatine par exemple). Cette anomalie est souvent transitoire et se résout toute seule. La plupart des neutropénies sont asymptomatiques, elles peuvent cependant nécessiter une hospitalisation. Eventuellement on pourra reporter la chimiothérapie lorsque les polynucléaires neutrophiles sont en très faible quantité.

La recherche de ces anomalies justifie la réalisation d’une prise de sang avant la réalisation de chaque séance de chimiothérapie.

 

La toxicité gastro- intestinale

Elle représente la majorité des effets secondaires observés après l’administration de molécules de chimiothérapie : on peut ainsi avoir des vomissements, de la diarrhée, une baisse ou une perte d’appétit (anorexie) et un amaigrissement. Ils sont présents dans environs 20% des cas.

L’anorexie :
Elle peut être la conséquence du cancer ou du traitement chimiothérapique et être éventuellement accompagné par de la nausée. On peut traiter cette anorexie soit par ajustement du traitement, ou bien par utilisation de molécules stimulants l’appétit et l’utilisation d’anti nauséeux qui peuvent être donnés à domicile. Si l’anorexie ne se résout pas, il pourra être nécessaire d’hospitaliser l’animal et de le nourrir via des sondes alimentaires.

Les vomissements :
Ils sont observés soit dans les 24 heures (vomissements précoces observés lors de l’hospitalisation) soit entre 2 et 5 jours (vomissements tardifs) après la séance de chimiothérapie.
Les vomissements se résolvent généralement en 2 à 3 jours, peuvent s’accompagner de nausées et sont généralement provoqués par une irritation de la paroi digestive. Des anti-vomitifs peuvent être administrés, de même que des pansements digestifs et des antiacides.

La diarrhée :
Elle est provoquée par une destruction des cellules de la paroi digestive. Cette perte de cellules de la paroi, peut favoriser des infections sanguines par passage de bactéries de l’intestin au sang. Si la diarrhée est modérée ou légère, elle sera gérable avec une diététique adaptée (alimentation riche en fibre, ou réduite en quantité) et/ou avec un traitement symptomatique et/ou avec un traitement antibiotique.
En cas de diarrhée sévère une hospitalisation pourra être nécessaire pour corriger les pertes en eau, les déséquilibres en électrolytes et acido-basique (sang trop acide ou trop basique).

 

Des toxicités plus spécifiques des molécules utilisées

Certains effets secondaires ne sont observés que lors de l’utilisation de certaines molécules. On retrouvera ainsi des toxicités au niveau de l’appareil urinaire, du système nerveux, au niveau cardiaque et cutané. Par exemple : l’utilisation du cyclophosphamide peut provoquer des cystites hémorragiques ; l’emploi de doxorubicine une toxicité cardiaque, etc.
Ces toxicités sont connues et surveillées lors de l’emploi des molécules concernées.

La chimiothérapie permet d’apporter un réel bénéfice aux patients atteint d’un cancer, elle n’est pour autant pas dépourvues d’effets secondaires modérés qui surviennent dans moins de 50% des cas. Le traitement doit être efficace en permettant de conserver une très bonne qualité de vie pour votre animal. C’est cet équilibre entre efficacité et contraintes qui sera recherché par l’oncologue.