Les tumeurs mammaires chez le chien
Présentation des tumeurs mammaires
Qu’est-ce que c’est ?
Qu’elles en sont les symptômes ?
Quels animaux sont concernés ?
Le sexe
L’âge
La race
Les prédispositions génétiques non raciales
La stérilisation
Les pilules
Les autres facteurs
Le diagnostic
La suspicion diagnostique
La confirmation du diagnostic
Réalisation d’une analyse cytologique
Histologie et diagnostic de certitude
L’établissement du stade clinique
Le pronostic
Les Traitements
Le traitement chirurgical
La chimiothérapie
Les autres thérapies possibles
Présentation des tumeurs mammaires
Qu’est-ce que c’est ?
Les tumeurs mammaires sont les tumeurs les plus fréquentes chez les chiennes non stérilisées. Le terme « tumeur mammaire » désigne la localisation du processus tumoral situé au niveau des mamelles ou entre ces dernières et ne désigne pas un seul type de tumeur en particulier : on distingue en conséquence de nombreux types de tumeurs mammaires, qui peuvent être bénignes ou malignes. Dans un cas sur deux, ces tumeurs sont bénignes, cependant, certaines études laissent suggérer qu’une tumeur bénigne peut évoluer en tumeur maligne !
Qu’elles en sont les symptômes ?
Les tumeurs mammaires se traduisent par une masse ou un nodule au niveau des mamelles ou entre ces dernières. Les masses et les nodules peuvent être soit visibles soit palpables. La chienne possède 5 paires de mamelles, les deux mamelles en arrière du chien (M4 et M5) sont les sites des localisations les plus fréquentes de tumeurs mammaires.
La tumeur mammaire peut être de la taille d’un grain de riz, ou mesurer une dizaine de centimètre de diamètre ! Il peut en exister plusieurs situées sur les différentes mamelles ! Dans la plupart des cas, ces tumeurs grossiront au fils du temps si on ne les traite pas. Il est important que vous palpiez fréquemment votre chienne surtout si elle est âgée pour détecter précocement ces tumeurs et les traiter rapidement.
Ces masses ou ces nodules peuvent éventuellement présenter des signes d’inflammation (rougeur, chaleur, douleur, gonflement) et s’ulcérer. Dans de nombreux cas, on note plusieurs tumeurs mammaires au moment du diagnostic.
Les cellules tumorales peuvent métastaser dans les nœuds lymphatiques et occasionner une modification de leur aspect, de leur forme ou de leur consistance. La modification la plus courante est une augmentation de leur taille appelée adénomégalie. Toutefois, des maladies non tumorales peuvent provoquer cette augmentation de taille des nœuds lymphatiques.
La plupart du temps, votre animal est en bonne santé au moment du diagnostic : il est vif, il joue, il mange bien et boit correctement. Toutefois, lors du développement de métastases des signes généraux peuvent apparaitre comme de la cachexie ou de la fatigue. Les métastases à distance se forment le plus souvent au niveau des poumons mais aussi dans d’autres organes comme le foie, la rate, les os, les reins, le cerveau, etc. Des signes cliniques plus spécifiques de la localisation de ces métastases peuvent également être présents comme par exemple : des difficultés respiratoires, des symptômes nerveux, une douleur osseuse, une augmentation de la taille du foie, etc. Fort heureusement, si les tumeurs sont prises en charge rapidement, ces signes sont exceptionnels !
Le carcinome mammaire inflammatoire diffère par sa présentation clinique et son évolution : c’est une tumeur mammaire qui grossit très rapidement, qui est agressive localement, très inflammée (rougeur, chaleur, douleur et gonflement) et dont les métastases se développent fréquemment et rapidement.
Quels animaux sont concernés ?
Tous les animaux peuvent être concernés. Cependant, plusieurs facteurs augmentent le risque de développer une tumeur mammaire.
Le sexe
Les femelles sont les plus touchées, toutefois même si ce cas est rare, un chien mâle peut développer une tumeur mammaire. En comparaison, la probabilité pour une chienne de développer une tumeur mammaire serait 62 fois plus élevée que pour un mâle.
L’âge
Ces tumeurs touchent le plus fréquemment des chiennes d’un âge moyen ou d’un âge avancé (entre 7 et 13 ans). De plus, la présence de tumeurs malignes chez les jeunes chiennes serait plus rare.
La race
Les pures races sont plus souvent atteintes que les croisées. Les races de petites tailles seraient également plus à risque (comme le Caniche, le Springer spaniel, le Cocker spaniel, le Bichon maltais, le Puli, le Yorkshire, le Teckel) mais aussi certaines grandes races de chiens (Setter anglais, Epagneul breton, Berger allemand, le Pointer, le Doberman et le Boxer). Cependant, il est difficile d’affirmer que les petites races sont plus à risques. Ces dernières étant souvent plus médicalisées, la probabilité de détecter les tumeurs est plus grande ! Enfin, certaines prédispositions raciales sont soumises à débat comme le boxer.
Les prédispositions génétiques non raciales
Certaines lignées, à l’intérieur de certaines races semblent présenter un risque accru de développer une tumeur mammaire, ce qui nous permet de suspecter des prédispositions génétiques. De plus, certaines mutations génétiques modifient l’âge d’apparition de tumeurs mammaires. Par exemple, à l’instar de l’être humain, certains Teckels peuvent présenter des mutations au niveau des gênes BRCA1 et BRCA2 les prédisposant alors au développement de tumeurs mammaires.
La stérilisation
Le point le plus important et sur lequel on insiste le plus fréquemment est l’impact de la stérilisation sur le développement des tumeurs mammaires.
Certaines études fournissent des chiffres précis sur la diminution des risques de développer des tumeurs mammaires que procure la stérilisation en fonction du nombre de chaleur ayant eu lieu avant la stérilisation. Cependant, une étude plus récente, consistant en l’évaluation des études antérieures, estiment que les données récoltées ne permettent pas d’être aussi précis. En revanche, cette étude conclue que l’on peut raisonnablement affirmer que le risque de développer des tumeurs mammaires est diminué lorsque la stérilisation est pratiquée avant l’âge de deux ans et demi, et que ce risque est encore plus faible avant les premières chaleurs.
Les pilules
Un autre point est très important ! Les pilules données aux chiennes pour prévenir ou interrompre les chaleurs augmentent le risque de développer des tumeurs mammaires. En dehors du domaine de la cancérologie les pilules augmentent aussi le risque de développer des infections utérines. Pour ces raisons, l’utilisation de la pilule est fortement déconseillée par la profession vétérinaire !
Les autres facteurs
La présence d’une obésité précoce à l’âge d’un 1 an ou antérieure renforcerait également le risque de développer une tumeur mammaire. Il a également été suspecté que certains régimes alimentaires possédaient une influence sur le risque de développement de tumeurs mammaires.
Le diagnostic
La suspicion diagnostique
La suspicion diagnostique se fera généralement après palpation d’un ou plusieurs nodules ou masses en regard des mamelles. La suspicion sera d’autant plus forte pour une chienne non stérilisée ou pour une chienne stérilisée tardivement ou encore pour une chienne à qui le propriétaire administre des pilules composées de progestagènes.
Une augmentation de taille des nœuds lymphatiques pourra nous faire penser à une dissémination des cellules tumorales aux nœuds lymphatiques bien qu’il puisse s’agir d’une inflammation sur le territoire de drainage lymphatique.
La confirmation du diagnostic
Réalisation d’une analyse cytologique
Dans un premier temps une analyse cytologique peut être effectuée pour confirmer la suspicion diagnostique. Elle permettra aussi de confirmer l’origine tumorale en cas de doute. Si l’analyse cytologique permet de faire le diagnostic d’une tumeur mammaire, elle ne permet pas toujours d’en affirmer la malignité ou la bénignité. En effet, certaines tumeurs contiennent à la fois des cellules tumorales bénignes et malignes (ce sont les tumeurs dites mixtes ou complexes), ainsi, si on ne prélève que des cellules tumorales bénignes on risque à tort de considérer cette tumeur comme étant bénigne alors qu’elle aura un comportement malin. C’est pourquoi, il est souvent proposé de réaliser directement la chirurgie suivie d’une analyse histologique.
La cytologie nous permettra surtout d’exclure d’autres tumeurs (comme des lipomes ou des mastocytomes) ou une origine non tumorale.
Histologie et diagnostic de certitude
Le traitement de première ligne est la chirurgie. L’analyse histologique est réalisée après le retrait chirurgical de la tumeur. L’histologie permettra d’obtenir un diagnostic de certitude et de caractériser précisément la tumeur. Elle permettra entre autre de définir le caractère bénin ou malin de la tumeur mais aussi de prévoir le comportement tumoral de manière plus précise. On classera pour cela les tumeurs selon leur origine cellulaire, selon leurs caractéristiques morphologiques, etc.
On leur attribuera également un grade de 1 à 3 grâce à l’évaluation de critères histologiques (au nombre de 3).
En dernier lieu, l’histologie intervenant après le retrait chirurgical de la tumeur il faudra analyser les marges. C’est-à-dire déterminer si toutes les cellules tumorales ont pu être retirées lors de l’intervention (voir les marges d’exérèse chirurgicale).
D’autres techniques et mesures permettent d’affiner le pronostic mais ces dernières ne sont pas employées en routine (évaluation des récepteurs au œstrogènes et à la progestérone sur les cellules tumorales, mise en évidence de marqueurs de prolifération cellulaire (Ki67/MIB), de récepteurs aux facteurs de croissances (HER-2/EGFR), etc.).
L’établissement du stade clinique
Pour déterminer le pronostic et choisir les options thérapeutiques il est nécessaire de réaliser un bilan d’extension et d’établir le stade clinique. On réalisera aussi « un bilan de santé » global du patient afin de vérifier l’absence d’affections concomitantes et la capacité du chien à tolérer une anesthésie et donc une chirurgie. À ces fins, le clinicien en charge de votre animal pourra vous proposer :
- Des analyses sanguines (dans l’objectif de réaliser un « bilan de santé » : numération formule sanguine et analyses biochimiques sanguines) ;
- Des radiographies thoraciques (pour rechercher des métastases au niveau des poumons et visualiser le nœuds lymphatiques sternalqui peut être infiltré par des cellules tumorales) ;
- Des analyses cytologiques (sur les nœuds lymphatiques anormaux pour rechercher une dissémination des cellules tumorales au niveau de ces structures) ;
- Un scanner corps entier, (pour rechercher des métastases pulmonaires plus petites que celles visibles à la radiographie et des métastases situées dans l’abdomen et les os).
- En fonction des symptômes et des résultats des analyses sanguines une échographie abdominale pourra vous être proposée. Le cas échéant on pourra réaliser des cytoponctions échoguidées sur des masses ou des nodules abdominaux observés à l’échographie et réaliser une analyse cytologique pour déterminer s’il s’agit de métastases.
Suite à ce bilan, le stade clinique sera évalué. Il existe 5 stades qui se basent sur la taille de la tumeur, la dissémination éventuelle de cellules tumorales aux nœuds lymphatiques et la présence de métastases à distance de la tumeur.
Le pronostic
Le pronostic dépendra de la nature tumorale, du stade clinique, de son grade, de facteurs individuels (l’âge avancé par exemple mais qui est un facteur controversé), de certaines caractéristiques de la tumeur (densité de micro vascularisation, marqueurs de prolifération cellulaire), de la réaction cellulaire des tissus environnants (réaction lymphocytaire), ou encore de la présence d’affections concomitantes. Par exemple, la nature tumorale impacte fortement le pronostic ; de plus une tumeur de grade élevé, une tumeur de grande taille et la présence de métastases sont des paramètres qui péjorent le pronostic. Les carcinomes mammaires inflammatoires pâtissent également d’un plus mauvais pronostic.
Les Traitements
Le traitement chirurgical
Ce traitement sera dans beaucoup de cas le traitement de première intention qui vous sera proposé, il pourra être associé à d’autres traitements comme la chimiothérapie. Ce traitement est curatif pour les tumeurs mammaires bénignes et il est curatif dans certains des cas de tumeurs malignes. Pour ces dernières, il est approprié de prévoir des thérapies complémentaires. Il existe différents types de traitements chirurgicaux qui seront choisis en fonction du bilan d’extension, mais le principal consiste dans le retrait de la chaine mammaire en totalité. C’est le traitement de choix des tumeurs mammaires non inflammatoires qui a pour objectif de prévenir l’apparition de nouvelles tumeurs sur la même chaine mammaire.
Un retrait complet des deux chaines mammaires est utilisé lorsque des tumeurs mammaires sont multiples et situées à la fois sur les chaines droites et gauche. Ce traitement chirurgical se fait en deux opérations distinctes et différées car sinon l’opération est difficile, trop longue et la récupération post opératoire plus compliquée.
La chimiothérapie
Elle est avant tout recommandée pour des tumeurs présentant des risques de métastases ou de récidives locales importants.
De nombreux protocoles existent. Votre vétérinaire vous recommandera le plus adapté au cas de votre chienne. En revanche, il manque encore des études fiables rapportant un bénéfice net de ces traitements dans certains types de tumeurs mammaires.
Les autres thérapies possibles
L’utilisation d’anti-inflammatoires : Ils semblent permettre une prolongation du temps de survie qu’ils soient associés, ou non, à la chimiothérapie. Ce sont des traitements classiques et utilisés couramment en clientèle vétérinaire. Ainsi le piroxicam ou le firocoxib peuvent être utilisés. Leur mise en place nécessite un contrôle des paramètres rénaux au préalable.
La radiothérapie : Bien qu’elle soit peu utilisée dans cette indication, elle peut s’avérer utile dans le traitement palliatif des carcinomes mammaires inflammatoires, ou dans le cas de résection chirurgicale incomplète de la tumeur mammaire primaire (marges de retrait chirurgicale infiltrées par des cellules tumorales).
Le traitement hormonal : il est possible d’agir au niveau hormonal, soit médicalement (par utilisation d’aromatases) soit chirurgicalement par la réalisation d’une stérilisation. Le bénéfice de ces traitements est controversé. Leur efficacité dépendrait des tumeurs traitées et pourrait être prédite grâce à la mesure de certains paramètres (taux de 17 B œstradiol dans le sang et présence de récepteurs aux œstrogènes sur les cellules tumorales).
Autres thérapies : Certaines études ont testé des thérapies beaucoup moins classiques comme la photothermie aux nanoparticules d’or ou encore l’association de virus « anti-tumoraux » avec de la chimiothérapie, mais de telles études appartiennent encore plus au domaine de la recherche qu’au domaine de la prise en charge thérapeutique à l’heure actuelle.